Un meurtre pas si parfait { Mad

Cela faisait un moment déjà que la carcasse droguée de Mad Sweeney reposait contre un arbre à cailler au soleil. Il s'était quelque peu réveillé alors qu'une voiture s'approche de son coin repos et se gare discrètement. Sa vision embrouillée lui offre une vue limitée sur le mec qui s'extrait de la bagnole puis disparaît dans un bâtiment. Puisqu'il n'avait pas terminé sa sieste, le Dieu déchu replonge dans l'inconscience cauchemardesque qu'est devenu l'univers de ses songes. Il sursaute brusquement suite à un nouveau bruit à proximité. Le conducteur est de retour à sa voiture. Mais cette fois, avec un lourd paquet: Un corps ensanglanté. Sweeney plisse les yeux afin de tenter de distinguer mieux la scène. Le conducteur ouvre le coffre de la voiture et il parle au mort. Voilà qui lui rappelle les souvenirs désagréables de ses moments avec Laura Moon, la dead wife, comme il l'appelait. Sauf que Laura était un zombie uniquement parce que ce con de Shadow Moon avait lancé sur sa tombe la Chance de Sweeney. La pièce d'or avait transpercée la terre pour venir fusionner avec le corps sans vie de Laura et lui accorder temporairement un second souffle. L'irlandais porte ses doigts tremblant de junky à son oreille droite et vient en décrocher une cigarette qu'il allume difficilement. Se relevant avec des gestes maladroits, il parvient finalement à se redresser et à avancer d'une démarche lourde vers le conducteur/meurtrier. Du moins, c'est que ce Sweeney présume. Ce type est impliqué d'une manière ou d'une autre comme il s'occupe du corps. Est-ce que ça devrait l'inquiéter? Le choquer? Pas le moins du monde. Sweeney existe depuis des millénaires, bien avant que le monde soit civilisé et craintif face à la mort. De la chair, il en avait transpercé tellement avec ses épées ou même ses mains nues. De sang, il en avait fait couler un océan. Voir la mort, la toucher, sentir son odeur autour de soi, c'était quelque chose de si familier pour le guerrier qu'il avait été. C'est pour ça qu'en arrivant à proximité du cadavre, son expression ne change absolument pas. Il se contente de fumer dans le dos du tueur, qui justement remarque avec l'odeur de cigarette qu'il a un visiteur.

"Si j'avais de la bière, je t'en aurais offert, mais puisque dans cette ville je suis de ces mecs qui dorment sur les bancs de parc, je suis à court de bonnes choses." Sweeney commence par lâcher tandis que le plus jeune découvre sa pathétique apparence. Il est très grand, donc la très grande majorité des gens doivent soulever le regard pour accrocher le sien haut perché. Mais son habillement négligé, son visage sale et sa postule chancelante confirme qu'il vit dans les rues de New-York depuis un bon moment déjà et qu'il ne se nourrit que de drogue et d'alcool. Dire que Mad Sweeney a autrefois été un Roi. Quelqu'un d'admiré, de vénéré, d'adoré. Aujourd'hui, il est plus bas qu'il ne l'a jamais été. Rien ni personne ne semble capable de le faire remonter jusqu'à un certain niveau de dignité humaine... humain... si seulement il avait été un simple humain. Tout son calvaire se serait terminé depuis des lustres. Sweeney sort de sa poche une cigarette neuve, fraîchement roulée par ses soins un peu avant qu'il fasse son somme. "Tout ce que j'ai à t'offrir, c'est une clope et une tape dans le dos pour ton beau travail." Ça pourrait sonner ironique dans la bouche de n'importe qui, mais pas dans celle de l'irlandais ayant perdu son accent avec les siècles à voguer en territoires occidentaux. Il tend ainsi à l'autre homme la cigarette en lui faisant un petit sourire en coin dont seul lui a le secret.   

Les interactions avec Mad Sweeney étaient mémorables puisqu'il n'était pas typique ou ennuyant. Il y avait aussi le fait qu'il soit haut perché de presque deux mètres, ce qui aidait à marquer les esprits. Surtout, il était excellent pour transmettre l'impression d'être pathétique. Il faut croire que sa chute des Dieux supérieurs n'a jamais été acceptée par l'irlandais. Être un moins que rien, cela faisait partie de sa malédiction en plus de la folie. En voyant un meurtrier à proximité, il se sent attiré par l'excitation de la mort comme un vautour par une carcasse en décomposition. C'est probablement pour cela d'ailleurs qu'il s'est amouraché de Laura Moon, une zombie. Parce qu'elle empestait la mort jusqu'à en vomir des insectes qui la dévorait de l'intérieur. Le géant commence à fumer, permettant à l'odeur d'attirer l'attention de Kurt sans avoir à s'exprimer. L'autre est évidemment surpris de le voir apparaître. Est-il nerveux? Il pense sincèrement que Sweeney en a quelque chose à battre qu'un mec soit mort aujourd'hui? Il lui demande qui il est. Le Dieu déchu répond sans détour. "Mad Sweeney." Il y a un désintéressement visible alors que le roux s'exprime. Surtout lorsque vient le temps de révéler son identité. C'est plus qu'un manque d'intérêt. C'est parce qu'il n'a même plus de souvenir de son nom d'origine. Utilisant cette appellation tordue à la place pour se présenter. Kurt parle de la police avant de prendre la cigarette qu'il lui offre en cadeau. Sweeney fronce les sourcils, réellement confus que le jeune homme pense qu'il a envie d'appeler les flics. "Pourquoi faire?" Qu'un humain tue un autre humain, ça ne le concernait pas. Et il n'était pas un mouchard non plus. Pourquoi perdrait-il son temps à les contacter? Tout ce qui importait pour l'irlandais c'était la drogue qu'il allait s'injecter dans les veines ensuite.

Il observe le plus jeune fumer difficilement, n'ayant absolument aucune réaction à ce sujet. Sweeney aspire la nicotine avec toujours la même indifférence de son environnement que lorsqu'il s'exprime. Ce n'est que lorsque Kurt lui demande s'il a peur de finir comme le cadavre que le Dieu déchu offre enfin une réaction. Un sourire. Celui de quelqu'un de fou, de toute évidence. "Oh... mais moi et lui, on est pareille, de toute façon." Le géant vient faire tomber les cendres du bout de sa cigarette sur le cadavre à leurs pieds. Comment faire autrement que de manquer de respect à un mort? Le roux sourit encore plus grand à Kurt tandis qu'il le défi de lui trouver une bonne raison de demeurer vivant. "Je suis déjà mort, l'ami. J'empeste la putréfaction. Je pensais que ça pouvait se sentir." Il lève un bras et va sentir son aisselle en preuve. Il fait une grimace suite à la forte odeur de sueur, mais c'est tout. Il relève une manche, montrant ensuite à Kurt les nombreux ecchymoses qui couvrent son bras droit. La cigarette au bec, elle remue vivement tandis qu'il continue de parler au jeune homme. "Je ne fais que faire durer la souffrance. Emmerdeur professionnel, c'est souvent comme ça qu'on m'appelle. Je préfère de loin qu'on me traite de fou. Au moins, ça me permet de rire un bon coup." Il va chercher la cigarette à ses lèvres et relâche un nuage de fumée entre eux. "Parce que c'est la vérité. Pourquoi tu penses qu'on m'appelle Mad Sweeney?" Lui-même n'a pas la réponse à cette question. Mais il présume que c'est à cause de ça.       

Ce jeune humain est décidément particulièrement stressé. Il peut comprendre, puisque les meurtriers à cet époque ils ne respiraient pas l'air frais longtemps avant qu'on les jette en prison. Sauf qu'il semblait avoir du mal à croire que Sweeney n'avait aucun réel intérêt à envoyer la police contre un humain. Si plus d'humains pouvaient s'entretuer, le Dieu déchu ne serait pas contre. "Pas intéressé à chanter? Je n'ai pas non plus envie de t'entendre chanter. Ou d'entendre des sirènes de police." Il fait comme s'il ne comprenait pas l'expression, mais dans l'un comme d'en l'autre, lui non plus il n'en voyait pas grand utilité. Pour ce qui est de l'argent, le faux leprechaun avait une fortune bien cachée dans son Trésor, donc pas la peine de vouloir le papier vert des humains. Peut-être qu'une cigarette aura pour effet de le relaxer un peu. Ou peut-être pas. Ce jeune est aussi tendu qu'un ressort sur le point de relâcher la pression.

Lorsque l'autre lui révèle qu'il a déjà été mort, le géant de deux mètres commence à sourire. "Un autre ressuscité dans cette ville. Et ces marques là ça ne vient pas du fait que j'ai été dans l'après-vie il y a pas si longtemps. C'est des marques laissées par les seringues d'héroïne. Je peux t'en fournir, si tu veux. Je connais le meilleur dealeur du coin." Le regard un peu fou d'un junky qui trouve quelqu'un à entraîner dans son addiction. Si l'humain n'a jamais essayé, il faut définitivement qu'il tente l'expérience. Ça pourra à coup sûr calmer sa nervosité de tueur qui craint la police. "Pour l'odeur, disons que j'ai tendance à faire beaucoup d'overdose à en vomir mes entrailles. Comme tu l'as si bien dit, je suis un clochard qui dors dehors, donc mon hygiène n'est pas à son meilleur. J'ai pris une douche dans un étang une fois et on m'a regardé comme si je venais de tuer un mec, moi aussi." Il rit à cela un peu trop fort d'ailleurs. On ne pourrait pas s'attendre à moins d'un fou comme lui.

L'autre le traite de bizarre et à cela, le roux continue de rire. "Bizarre, c'est un compliment. Mad n'est pas un prénom. Mad dans mon cas veut littéralement dire fou. Cinglé. Timbré. Les synonymes sont nombreux." Puisque Kurt finit par balayer du revers de la main le personnage excentrique qu'il peut représenter et lui assure qu'il n'a pour l'instant besoin que d'une paire de bras, l'irlandais hoche la tête. Il vient éteindre sa cigarette en rappant l'extrémité allumée sur l'asphalte puis il range la clope dans sa poche. Sweeney se penche et soulève à lui seul le cadavre avant de le lancer sans douceur dans le coffre de la voiture de l'humain. Le plus grand se redresse ensuite et observe l'autre avec curiosité. "Tu comptes t'en débarrasser comment? Dommage que Czernobog ne soit pas dans les parages, il aurait pu te le réduire en purée et il t'aurait suffit de jeter les restes dans les toilettes. Non que j'ai déjà essayé, mais j'ai entendu des rumeurs qu'il se débarrassait de ses sacrifices de la sorte." Toujours sans émotion même s'il vient de dire de pareils horreurs, le Dieu déchu penche la tête d'un côté. "En général les gens on le cœur trop sensible pour ne pas vomir en faisant ce genre de chose. J'imagine que c'est pour ça qu'ils optent pour la méthode ennuyante de l'enterrement." Il ne peut pas vraiment savoir. Là d'où il vient, la cruauté et le sadisme était chose commune.  

Observant Kurt un instant, il se demande sincèrement pourquoi cet humain persiste à croire qu'il en a quelque chose à foutre de le balancer aux autorités. "Mec, si vraiment j'aurais eu envie de te faire chanter comme tu dis, je serais pas venu te féliciter pour ton meurtre. Je serais resté dans mon coin où tu ne savais même pas que j'étais. Relaxe, je ne suis pas ton ennemi." Sweeney va même jusqu'à lui taper amicalement le dos pour qu'il apprenne à se détendre un peu, ce jeune humain. Pour l'ancien-Dieu, ce qu'il raconte faisait du sens. Il ne voyait pas en quoi on pouvait douter de ses intentions. Mais puisque maintenant son interlocuteur se montre curieux envers l'héroïne, drogue de choix pour le rouquin, il vient lui offrir un grand sourire fou. "Tant que ça rentre, il n'y a pas de problème. Tu peux la sniffer, la croquer, la mettre dans ta soupe. Elle va entrer en toi, te faire un gentil câlin et tu verras bien par toi-même que c'est une douce compagne dont on ne peut se passer. Meilleure que le sexe. Et crois-moi, je sais de quoi je parle." Inutile de dire que durant toute son explication ils faisaient des gesticulations étranges. Si le jeune homme a envie d'essayer l'héroïne après un tel spectacle, c'est qu'il a trouvé le divertissement amusant.

Après lui avoir raconté sa mésaventure dans l'étang du parc non loin d'ici, Kurt lui assure qu'il a fait peur aux femmes et aux enfants présents ce jour-là parce qu'il n'avait pas fait les choses avec cool. À la mention d'internet, l'irlandais se remémore comment pénible sont les nouveaux Dieux qui sont nés des entrailles du web. Franchement, si c'est ça être cool, il préfère demeuré comme il est. "J'ai déjà été cool. Roi-Guerrier qui a conduit les hommes à la victoire pendant des centaines d'années, c'est cool, non?" Sweeney est vraiment curieux de le savoir. Au moins, il est content d'entendre que l'humain trouve que son pseudo est cool et que ça lui va bien. À cela, il sourit même. "C'est libre de droits d'auteur, alors tu peux en faire ce que tu veux." Il le pensait sincèrement. Le roux n'avait pas la moindre inquiétude si du coup le jeune lui vol son identité pour salir sa réputation... c'est impossible puisque Sweeney a déjà une réputation à chier. On ne peut pas faire pire, vraiment.

Sur ce, l'étrange duo devient en quelque sorte partenaires et le géant devient les muscles, visiblement. C'est donc ainsi que Sweeney jette le cadavre dans le coffre de la voiture de Kurt, comme demandé par ce dernier. Ils se mettent ensuite à réfléchir à la meilleure manière de s'en débarrasser. L'humain semble vouloir de l'aide de  Czernobog pour leur facilité la tâche, mais le Dieu déchu commence plutôt à en rire. "S'il est à New-York, vaut mieux faire en sorte qu'il ne te connaisse pas. Il est particulièrement caractériel et emmerdeur. Il pourrait à la place décidé de nous exploser la tête à tous les deux avec sa masse plutôt que de faire ce qu'on lui demande. Même en demandant avec un s'il-vous-plaît." Puisque Kurt est ouvert d'esprit à l'innovation, Sweeney décide de faire des recommandations. "Brûle-le. Passe les os aux broyeurs. Ou frappe dessus très fort avec un marteau ou une pelle. Une fois brûlée, les os ne sont plus aussi résistant. Tu serais surpris par le résultat." Sortant son briquet de sa poche, le plus grand le tend à Kurt. "Voici la flamme. (il pointe le cadavre) Suffit de rajouter de l'essence et d'observer la chair se consumer." À nouveau, Sweeney se montre familier et entoure les épaules de Kurt de son long bras. "Tu mettras un masque. L'odeur est atroce. Mais on s'y habitue." Il parle comme s'il avait fait cela des millions de fois, ce qui était en fait sans surprise la vérité. Le nombre de personnes qu'il a tué dans sa très longue vie ne se compte même pas.