Virée entre frangins - feat Klaus & Five

Seuil de l'appartement de Ben. Une silhouette maigre revêtu d'un long trench noir sans manches remuait, voûtée sur la poignet de la porte. Pas un bruit dans le couloir sinon le cliquetis d'un attirail douteux jouant dans la serrure et des jurons silencieux qui accompagnait l'acharnement discret de l'invasif : ne pas faire de bruit! Sait-on que Five ne soit pas en train de se réveiller de sa sieste...
... Comme un p'tit bébé-Nosferatus s’étirant hors de son cercueil douillet...

Ce s'rait trop bête de le mettre de mauvaise humeur. Qui aurait imaginé que le petit Five se ferait mordre un jour par des vampires?! C'était un peu de sa faute, il fallait l'admettre. Klaus ne s'attardait pas sur la nature de ses victimes lorsque la pulsion de s'enfuir avec leurs drogue le prenait. Mais c'était aussi un peu la faute du cinquième qui, au lieu de les téléporter comme Klaus l'avait supplié, avait trouvé bon de provoquer le gang. Qui s'était avérée être une meute de suceur de sang... intrigués par leur saveur "extraordinaire"...

Toujours est-il, le môme avait servit de festin au groupe. Heureusement il s'en était tiré, mais ça n'empêche qu'un doute légitime rongeait le camé de la famille de depuis...

-La porte est ouverte crétin!

Un frisson hérissa Klaus de la racine des cheveux aux orteils. NON D'UNE sangsue des Carpates... Il le savait! C'était la super-ouïe des vampires!!!
Le junky jeta un coup d’œil prudent à l'intérieur, et salua avec la candeur d'un type irréprochable.

-Fiveeey! Mon frangin préféré! Quoi de neuf sous l'soleil de New-York?

-Heureusement que tu devais arriver il y a une heure. Ben t'a pas attendu... Moi non plus d'ailleurs...  

-J'étais oc-cu-pé.

Renifla Klaus en croisant les bras pour se donner l'air de tout sauf un consommateur de drogue irresponsable. L'avorton haussa un sourcil parfaitement incrédule.

-Quoi?! P't'être que j'étais en train de postuler pour un boulot hyper sérieux pour une fois! Ou d'sauver un chaton de la noyade! Ou de convertir un mormon aux joies de la vie, pourquoi personne m'accorde aucun crédit?!

L'énergumène s'agitait tandis que le plus jeune tourna une nouvelle page de son manuel sans sourciller... Et après on lui reprochait de chercher à attirer l'attention!

-Y'a des bières dans le frigo. T'as deux mains... Profites-en pour m'en ramener une autre...

-... Ooh, mais bien sûr. Et des p'tits toasts et un massage de pieds pour aller avec? Grrrrrh.

Klaus faucha la bouteille vide que lui tendait Sa Majesté. Il savait pas c'qui l'attendait, celui-là...
Le quatrième sortit les bières du frigidaires, referma la porte d'un coup de talon, et s'assura que l'autre était plongé dans sa lecture. Il décapsula les bouteilles, et tira de l'intérieur de son manteau... un tube d'ail en poudre. Il fit sauter le bouchon d'un geste habile du pouce, forma un entonnoir avec sa main libre, et saupoudra précautionneusement l'intérieur de la bouteille. Il secoua vigoureusement le tout en bouchant le goulot avec son pouce, veilla à nettoyer tout débord avec un torchon qu'il balança dans l'évier, et effaça son sourire de diable satisfait des lèvres avant de revenir dans le coin salon.  

-Môsieur est servit.

Five ne prit pas de suite la bouteille qu'il lui tendit. Fidèle au prédateur humanoïde qu'il était, il flaira le truc-louche. Aïe... Il dirigea son regard suspicieux vers... la bouteille? Ouf! Non. Vers le pendentif qui balançait au poignet de Klaus.

-Oh! C'est ça qui t'intrigue? s'égaya t-il d'avoir enfin! capter un peu d'attention de la part du gamin. Il remua du poignet pour faire danser le crucifie argenté qui y était suspendue, le chapelet de perles enroulé autour de son poignet comme une ribambelle de bracelets. C'est la dernière mode. Un brin gothique, un poil métaleux, et ce qu'il faut d' irrévérencieux, ça se marie aussi bien avec le noir qu'avec le flashy.

Five faisait sa tête de pas convaincu. La tête d'un vampire embarrassé peut-être? Le symbole du Seigneur avait pas l'air de lui brûler la rétine, en tout cas...
Il saisit enfin sa bière. Klaus sirota tranquillement la sienne, à l’affût d'une réaction qui ne se fit pas attendre : le môme recracha sa pleine gorgée aromatisé d'ail.

Ça gueula fort chez le gentil Ben. Klaus agita les mains en signe de paix.

-J'ai rien fait! J'ai rien fait!!!... Ok : j'ai carrément fait! Mais c'est bon signe! T'as pas la gorge en feu, ça veut dire que t'es pas encore devenu un vampARGH!

Comment ça, il aurait pu l'assassiner?! Mais puisqu'il n'avait pas la gorge en feu!!!... Five fit sa boule-de-nerf assassine, et Klaus son masochiste hilare. Il s'esclaffait alors qu'on essayait de l'étrangler, le p'tit Five à califourchon sur son long corps gesticulant sur le canapé. Le cinquième se redressa dans un sursaut, un far au joue. Klaus aussi l'avait sentit. La cuisse du télé-porteur, frôler son quelque chose de dur...

-... Oh. C'est très gênant, ça... constata le pervers invétéré. Relax, j'plaisante : c'est juste un pieux! Il brandit effectivement un morceau de bois calé en travers de sa ceinture. Mieux vaut prévenir que guérir comme on dit! J'faisais quoi, moi, si tu m'collais un suçon pour me transformer en sangsue ambulante! C'est pas les chasseurs de vampires professionnel qui courent les rues de New-York pour gérer ce type de cas! Comment on peut-être sûr que tu vas pas te transformer en vampire, Mh?

Parce que ça se serait su depuis le temps?... Klaus s'était donné du mal à trouver son attirail anti-vampire que ça en serait dommage de ne pas l'utiliser, mais admettons... Calmé, Klaus posa le bout de bois sur la table basse, s'alluma une cigarette, et ramena ses jambes sous lui pour prendre le temps d'observer le matheux retourné se trancher dans sa lecture. Il se riait de la facilité avec laquelle il parvenait à le faire sortir de ses gongs, pourtant, il était conscient de pourquoi il était là pendant l'absence de Ben. Le dédain et le cynisme légendaire du cinquième ne faisaient que masquer les plaies d'une succession de traumas. Klaus ne connaissait pas les détails, mais il avait eu vent d'une vague histoire de fugues impromptue. Comme quoi, il y a bien des choses qui avait déraillées depuis son séjour aux Enfers. Ajouté à cela sa récente rupture, et Klaus craignait que la déprime n'ai raison de l'inexpugnable.

-Comment tu t'sens depuis la dernière fois? Je veux dire, entre les visions, la morsure, et puis ta brune qui s'est volatilisée...

Aïe. Sujet sensible, il le savait. De même que le junky savait qu'il n'était pas bon de garder son mal-être pour soi.

-Tu veux en parler?... laissa t-il planer en lui tendant son bâtonnet fumant. T'inquiète, on n'est pas non plus obligés de s'étaler sur le sujet.

Surgit d'un recoin obscur de son esprit embrumé, l'image d'une jolie chauve unibrassiste blottie dans les bras d'un Five plus serein que jamais lui vint. Klaus ne pouvait rien faire pour le soulager de ses blessures et ses hantises. Mais il y a au moins un domaine pour lequel il pouvait apporter son aide...
Le silence s'installa. Ponctué des avis du déluré...

-Je ne te dirais pas que le meilleurs moyen d'oublier une amourette c'est de les enchaîner jusqu'à indigestion. Ni que tu t'en remettra plus vite que tu n'le pense. Ni que c'est pas tout l'monde qui peut jouir d'une deuxième jeunesse, ni même que c'est un CRIME de n'pas en profiter!

Non non non. Ce serait remuer le couteau dans la plaie...

-Maiiis... que tu te retrouve solo c'est pas une raison pour négliger tes besoins fondamentaux de mâle, tu sais!... Toute cette tension accumulée! Faut que ça évacue! New-York regorge de citoyens aux hormones en ébullition. Est-ce que seulement tu as eux d'autres aventures que ta mutante hors mis ton idylle avec Dolores - qui, tu m'excusera, devait avoir quelque lacunes pour t'aider à te décontracter? qu'il leva un bras statique en caricature au mannequin de plastique. Puis après tes trois ans coincé en Enfer, tu dois te sentir terrrrriblement frustré... Et quand je pense à tous ces fantâsmes inexplorés, toutes ces pulsiooons jamais assouvies! RAH! Tu dois être au bord de l'explosion!!! C'est pas humain, j'me souviens que moi, à ton âge-

Ok, ok, il allait épargner à papy-tout-juste-dépucelé le récit de ses besoins charnels d'adolescent débridé. N'empêche, il fallait s'occuper de lui. En urgence.

-Je dis pas que tu dois te caser à nouveau, SURTOUT PAS!!! mais tu pourra certainement pas aller mieux en faisant ton Nerd reclus dans ses lectures! Crois-en le Docteur Klaus : tu as besoin de sti-mu-la-tion!

... Est-ce qu'il l'ignorait superbement ou bien?...

-Par pitié, Five!!! Lâche moi ce... Mein Gott, comment ce truc a pu survivre à l'inquisition avec un titre pareil? lui retira t-il le manuel des mains pour l'envoyer valser par dessus le canapé. Ta tête est assez grosse sans ça! Et regarde toi : t'es tout pâlichon!!! - et j'dis pas ça parce que tu t'ai fait mordre et que tu pourrais potentiellement devenir un mort-vivant, se pencha t-il pour lui tirailler les joues. Tu sais c'qui te ferait le plus grand bien? Prendre l'air! Aller : enfile ton manteau et tes chaussures, on sort faire un tour.

Il lui claqua le genoux avant de bondir hors du sofa.

-Et si tu es sage, on passera peut-être t'acheter une glace sur le chemin du retour. Mais il faudra la mériter! sermonna le grand-frère attentionné, et Ô combien ravi de traiter le plus mâture comme l'adolescent qu'il n'avait pas eu assez l'occasion de charrier. Aller, aller! On s'dépêche où je t'embarque de force!

A la question d'où il comptait le traîner, Klaus dégaina une paire de Rayban de la poche de sa veste et la présenta devant le nez de Five prête à être enfilée, et esquissa un sourire de Chechire...

-J't'emmène faire la tournée des magasins de jouets!


-Les lunettes de soleil, ça te va super bien. Tu devrais en porter plus souvent. Ça te vieillis. Et puis, ça protège la rétine...

Juste au cas où l'anémié se découvrait une allergique au résidus de soleil... Parce qu'on n'est jamais trop prudent! Encore heureux, un regard incendiaire de Five lui avait fait abandonné l'idée de lui refiler un parapluie - faute d'avoir une ombrelle sous la main. Klaus aussi avait revêtu une paire de verres teintés, histoire de compléter son ensemble - un débardeur en résille sur un slim-aubergine et des doc marteens reluisantes, agrémenté de bracelets et pendentifs en plus d'un ras-le-cou à boucle en cuir. Et pourquoi pas histoire de parfaire leur duo fraternel. C'est qu'ils devaient joliment se démarquer dans les rues de Brooklyn, le nonchalant excentrique et l’inaccessible éphèbe parés de leur lunettes, non?

-Tu penses encore à elle, hein? Klaus percuta trop tard la méprise. Ta poupée! Dolores. J'ai pas bien eu l'temps de faire sa connaissance, et t'en parle jamais. Mais ça avait l'air sérieux entre vous.

Sans rire, vraiment! Aussi mutique et plastifiée soit-elle, Dolores avait été un soutient très réel pour lui! Elle l'avait épaulée dans les coups durs, remplacé la famille qu'il avait perdue. A l'écoute, fidèle, et de bons conseils. Un peu comme Ben l'avait été pour Klaus une partie de sa vie. Un peu comme Grace avec eux quand ils étaient mioches aussi... Elle avait été le doudou réconfortant d'un enfant largué dans un monde en ruine. Une présence qui ne pourrait jamais le trahir ni l'abandonner. Et qui pouvait faire écran à ses besoins inavoués...

-Tu t'es pas dit que, peut-être, maintenant que t'es à nouveau sur le marché, tu pourrais...

Klaus laissa planer l'allusion. Se trouver une nouvelle poupée?...

-Et nous y voilààà! ♪

Klaus écarta les bras et trottina jusqu'à une entrée souterraine, encastrée entre un magasin de location vidéo et une boutique de près-à-portée. L'escalier descendait jusqu'à une porte couverte d'affiches de pin-up et de play-boys tous affublés de tenues de lapins. Une enseigne discrète surmontait l'endroit, un entrelacs de néons mentionnant "The Rabbit Hole", le "Hole" prenant la forme d'un lapin chou-comme-tout! levant haut son innocent pompom...
Klaus passa le premier et ouvrit les battants d'une large brassée à l'image d'un exilé de retour au bercail.

-Alice, je te souhaite la bienvenue de l'Autre Côté du Miroir! Un lieu magique où les jouets s'animent pour le plaisir des plus grands, et où les poupées ont plus de talents que les confidentes du coins...

L'endroit était petit et surchargé d'accessoires tous plus édulcorés et abracadabrantesque les uns que les autres. Les murs étaient saturés de boites et voilettes, les étagères débordaient d'objets d'expositions. Des canards de bains canailles faisaient de l’œil aux martinets. Un boa de plume rose s’harmonisait drôlement avec une panoplie de cuir. Les somptueux flacons de parfums raisonnaient avec des tubes d'allures plus minimaliste et technique.

Klaus était ici comme chez lui. Un gamin dans un magasin de jouet... Il passa un bras enthousiaste autour du cou du plus jeune.

-Je sais que la solution à tous tes problèmes ne se trouve pas ici. Mais fait confiance à Docteur Klaus : une fois sortie d'ici, ta vie ne sera plus jamais la même...

Il était grand temps d'initier le frérot au joies de l'auto-satisfaction!

codage par LaxBilly.