Elle s’était empressée de rejoindre la forêt, trépignant d’impatience aux stations des métros et aux arrêts de bus qu’elle devait prendre pour quitter son quartier et trouver la quiétude de la forêt. Pourtant, ils étaient nombreux à trouver un aspect inquiétant à cette forêt. Ses clientes la regardaient toujours comme si elle n’était pas très nette lorsqu’elle leur disait que l’endroit qu’elle préfère le plus dans cette ville, c’est la forêt qui l’entoure. Et la présence de ses enfants n’était pas la seule raison qui lui faisait apprécier la forêt. Elle ne supportait pas New York. Rien ne trouvait grâce à ses yeux. La Mère des Dragons ne voyait qu’une succession de longues rues plus sales et bruyantes les unes que les autres. Quant à leurs habitants, elle les classait en trois catégories. D’abord, il y avait «
les pressés » qui la bousculaient, lui marchaient sur les pieds et la regardaient comme si c’était à elle – Daenerys de la Maison Targaryen, Reine légitime des Sept Couronnes, Reine de Meereen, la Mère des Dragons, Khaleesi de la Grande Mer Dothrak, Briseuse de Chaînes, L’Imbrûlée – de s’écarter et de s’excuser d’avoir eu le malheur de s’être trouvée sur leur chemin. Il y avait ensuite «
les curieux » qui l’épiaient avec une curiosité déplacée, la dévisageaient et, pour certains, venaient l’aborder avec des questions particulièrement indiscrètes, jugeait-elle. Sa patience était mise à rude épreuve avec eux et elle s’était prise à imaginer, à plusieurs reprises, leur corps fondre sous le feu de Drogon, de Viserion ou de Rhaegal pour avoir osé faire preuve d’un tel manque de respect envers leur mère. Enfin, le groupe qu’elle préférait : «
les indifférents », ceux qui ne faisaient pas attention à ceux qui les entouraient, à leur environnement et avaient, la plupart du temps, les yeux rivés sur leur écran de téléphone. Aujourd’hui encore, en attendant son dernier bus qui la déposerait à une dizaine de mettre d’un grand parking non loin de la forêt, Daenerys constatait qu’il y avait une majorité «
d’indifférents » et quelques «
pressés ». Tant mieux. Ainsi passerait-elle inaperçue et pourrait-elle rejoindre plus rapidement ses enfants. Une fois sortie du bus, elle dû se contenir de ne pas courir vers la forêt tant elle avait hâte de les revoir. Elle marchait néanmoins vite, aussi vite que ses jambes le lui permettaient, et affichait un air heureux sur son visage. Plus elle se rapprochait des arbres, plus elle sentait leur présence.
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Drogon ! Rhaegal ! Viserion ! les appela-t-elle à plusieurs reprises en approchant des arbres puis en pénétrant dans la forêt.
Elle n’alla toutefois pas bien loin. Bien qu’elle adorât cet endroit, quelque chose, une force surnaturelle ou magique, l’empêchait d’y pénétrer en profondeur. Même la survoler était impossible. Non seulement cela lui était nocif pour elle, mais aussi pour le dragon qui la portait. Alors elle leur avait trouvé une sorte de grande caverne capable d’accueillir Viserion et Rhaegal, les plus petits. Mais Drogon, lui, trônait toujours près de l’entrée de la caverne, protégeant ses frères et guettant l’arrivée d’intrus ou de leur mère.
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Drogon…dit-elle plus bas en le voyant, allongé près de la caverne mais ayant relevé la tête à son approche.
Délicatement, elle posa sa main droite juste au-dessus de son œil avant de se pencher en avant et de s’appuyer contre sa gueule, son souffle chaud lui réchauffant le corps tout entier. S’écartant de lui, elle prit quelques instants pour l’observer entièrement, afin de voir s’il allait bien car, tout comme elle, il avait été tiré de force de son univers. Mais Drogon semblait aller bien alors elle alla faire de même auprès de Viserion et de Rhaegal qui, la sentant proche d’eux, étaient sortis de la caverne. Elle eut pour eux le même geste tendre que pour Drogon et remarqua une vilaine morsure au niveau de la jugulaire de Rhaegal. Sa langue claqua sur son palais tandis qu’elle approchait sa main pour toucher la blessure, sentant les écailles légèrement blessées frémir sous ses doigts :
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Vos jeux sont de plus en plus violents… Je devrais venir plus souvent ici…soupira-t-elle.
Pas nécessairement pour les faire bouger, mais pour s’assurer de leur bien-être. Sortant de la caverne, Daenerys se mit en quête de feuilles et de terre humide afin d’en faire une sorte de cataplasme pour la blessure de Rhaegal mais elle fut alertée par un grondement sourd de la part de Drogon. Le dragon noir s’était totalement redressé et semblait fixer un point droit devant lui.
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Qu’y-a-t-il Drogon ? dit-elle en se rapprochant de lui, se cachant à demi derrière ses grandes et puissantes ailes ouvertes sur lesquelles il s’appuyait.
Un coup d’œil par-dessus son épaule lui apprit que Viserion et Rhaegal avaient vu, eux aussi, ce que Drogon observait avec tant de ferveur. Alors Daenerys frissonna, songeant qu’ils avaient été vus par quelqu’un. C’était idiot car, entourée de trois dragons adultes, elle savait qu’elle ne risquait rien. Mais elle ne faisait nullement confiance à ces new yorkais. Certains ont de grands pouvoirs…Qui sait ce dont ils pourraient être capable, même face à ses enfants ?
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Qui est là ? cria-t-elle à l’attention de cette présence.
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Montrez-vous ! Nous savons que vous êtes là !Puis le silence se fit et Daenerys attendit, aux aguets.