Crise d'insomnie & téléportation - feat Ben & Five

Crise d'insomnie et téléportation

@Five Hargreeves

L’une des grandes frustrations de Ben en tant que fantôme avait été de ne pas avoir la possibilité d’intervenir dans de nombreuses situations où il aurait voulu pouvoir voler au secours de ses frères et de ses sœurs, faire une différence, d’une manière ou d’une autre. Le plus difficile, bien sûr, avait été avec Klaus, qu’il avait regardé sombrer dans presque autant d’addiction qu’il en existe sans être capable de faire quoi que ce soit, si ce n’est jouer les moralisateurs, pour l’aider (et c’était rarement efficace). Quand sa fratrie était exposée aux pires menaces, là encore, il se sentait terriblement impuissant. Certes, il avait fini par jouer son rôle, et non des moindres, au moment de l’apocalypse numéro deux, mais cela ne change rien au fait qu’ici et maintenant, il a à l’esprit de profiter de son humanité regagnée, non seulement pour rattraper le temps perdu, mais aussi et surtout pour se rattraper auprès de ses frangins.

Ce qui n’a finalement qu’un succès très relatif. Il a beau être davantage en mesure d’intervenir, il se sent toujours aussi impuissant quant au sort de sa fratrie, dépassé par les événements qui les bouleversent, en plus de ce qu’il lui reste à apprivoiser d’un quotidien compliqué à la fois par un passé qu’ils ne peuvent pas fuir et par le fait que, même après tout ce temps, Ben ne se sent pas totalement en phase avec sa nouvelle condition, qui l’avait tant exalté pour commencer. Oui, il a davantage de capacité d’action, à présent, ne serait-ce que parce que tous les Hargreeves sont à même de le voir et de l’entendre. Mais ce n’est pas pour autant qu’il se sent moins impuissant face aux événements.

Tenez, il suffit de prendre l’exemple de Five. Oui, il est présent autant qu’il le peut pour lui, et il l’aide du mieux qu’il le peut à surmonter son traumatisme, mais il a le sentiment d’en faire si peu… il se dit bien souvent qu’il faudrait qu’il puisse en faire plus. Certes, Five a l’air d’aller mieux, en soi, mais Ben ne se sent pas rassuré pour autant. Une part de lui se demande, surtout, si son frère redeviendra jamais celui qu’il a été (c’est peut-être peine perdue, au fond – il aurait déjà fallu lui éviter tout le temps qu’il a vécu après l’apocalypse numéro un, pour ça). Sans doute pas. Il y a des épreuves desquelles on ne se remet sans doute jamais tout à fait.

Parfois, il arrive à Ben, tout patient qu’il peut être, d’en manquer, de patience, mais au final, il est toujours le premier à regretter de s’être plaint de de voir mettre une partie de sa vie entre parenthèses pour s’occuper de son frère. Après tout, c’est même absurde de s’en plaindre quand on sait que, quand Five n’est pas sous sa surveillance, il s’inquiète constamment de ce qui pourrait éventuellement lui arriver. Le pire étant bien sûr la nuit… s’il était capable de s’écouter, il s’empêcherait juste de dormir pour éviter que quoi que ce soit n’arrive à Five, mais ce n’est pas si simple, bien sûr. Et donc, cette nuit encore, il a tenu jusqu’à voir sombrer Five dans le sommeil avant de s’endormir lui-même.

Il ne sait pas quelle heure il est exactement quand un bruit sourd le réveille en sursaut. Il n’a pas le temps de réagir, à peine le temps d’ouvrir les yeux que Five, bien sûr, s’est d’ores et déjà téléporté. Il n’en faut pas plus à Ben pour se sentir réveillé, aussitôt, il a pour réflexe d’allumer son portable et de vérifier l’application permettant de tracer le bracelet de Five (idée brillante de Diego de le lui avoir offert, au passage).  Il ne sait pas s’il doit se sentir soulagé ou non de constater que Five se trouve encore dans l’immeuble. Où dans l’immeuble, c’est toute la question…

Il faut plusieurs minutes particulièrement stressantes à Ben pour se retrouver sur le toit et trouver Five, en pleine crise de somnambulisme, beaucoup, beaucoup trop près du vide. Le premier réflexe de Ben est d’appeler son frère, mais il se retient au dernier moment. La surprise pourrait lui faire faire le pas de trop qui le précipiterait au-delà du bord. Et bien évidemment, c’est la dernière chose que Ben puisse vouloir. Alors il tente de se rapprocher, aussi délicatement qu’il le peut.. Il n’est qu’à quelques centimètres de lui quand il voit son frère basculer juste sous ses yeux.

« Five ! »

Ben a pile le réflexe de lui attraper le bras à temps, mais il ne tiendra pas longtemps dans ces conditions…

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@Five Hargreeves

De toute ses forces, Ben tente de ramener son frère sur le toit, mais ses forces n’y suffisent définitivement pas, et il sent bien que, pire encore, il va très certainement lâcher prise incessamment sous peu. Heureusement, Five finit par ouvrir les yeux. Ben a à peine le temps d’entendre sa voix que le décor change tout à coup autour d’eux, tout en restant familier, tandis qu’ils trébuchent sur ce qui au moins ressemble à la terre ferme, au grand soulagement de l’ancien fantôme. Ben comprend bien vite que son frère les a téléportés plus loin, sur le toit, à l’écart du vide… pile à temps, en somme. Autant son pouvoir avait tendance à le rendre anxieux ces derniers temps (et si l’on se demande pourquoi, ce qui vient de se passer y répond assez clairement, en l’occurrence), autant il est plus qu’heureux qu’il s’en soit servi, là, tout de suite. Ben a vraiment cru être à deux doigts de le perdre (sans mauvais jeu de mot), et il en est encore singulièrement perturbé par ailleurs. Son cœur bat à toute allure, c’est la pression qui retombe enfin. Il lui faut un léger temps pour comprendre qu’ils sont en sécurité tous les deux, en tout cas temporairement, et qu’ils ne risquent plus rien à présent.

Ben se redresse en même temps que Five, alors que ce dernier prend la pleine mesure de ce qui vient de se passer. Il n’a pas besoin d’en dire beaucoup pour que Ben comprenne qu’il culpabilise… en même temps, c’est un état constant chez lui ces derniers temps. Five s’en veut immensément et les mots manquent à Ben pour lui faire comprendre qu’il doit cesser de se ronger les sangs et de se torturer mentalement pour ce qui est arrivé. Il n’est pas responsable de l’état dans lequel il se trouve, même si, forcément, c’est plus facile à dire qu’à faire.

« Et toi, ça va ? Comment tu te sens ? » s’inquiète Ben avant toute chose en le considérant de haut en bas. « T’excuse surtout pas, d’accord, tu dormais, tu pouvais pas te rendre compte. »

Même si une part de lui se demande si le choix de Five de se téléporter sur le toit et pas ailleurs ne touchait pas à quelque chose d’inconscient… l’envie d’en finir. La pensée le fait frissonner, il ne veut surtout pas imaginer que ce soit le cas (d’autant que si ça doit l’être, ça voudrait dire que la chose pourrait se répéter encore).

« Oui, viens, on rentre », confirme Ben dans un hochement de tête avant d’inviter son frère à retourner à l’intérieur.

Ce qui est sûr, c’est que Ben ne parviendra plus à fermer l’œil de la nuit. Five culpabilise sans doute, mais il en est de même pour lui. Five est sous sa surveillance, il s’est promis de le protéger et de s’assurer qu’il ne lui arrive rien, et pourtant… Pourtant, le pire aurait pu se produire il y a un instant. Une fois à l’intérieur, Ben invite Five à s’installer sur le canapé.

« Je te prépare une tisane ? Un chocolat ? Qu’est-ce que tu préfères. » Pas de café pour Five, ça ira comme ça. En attendant la réponse de son frère, Ben dépose un verre d’eau et un cachet sur la table basse. Puis, après un moment d’hésitation, il se hasarde à poser une question. « Est-ce que tu te souviens à quoi tu rêvais, à l’instant ? »

Pas que ça les aide plus que ça, mais pour tout dire, Ben ne sait pas vraiment comment prendre cette situation, il se sent si démuni face à la détresse de son frère…

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@Five Hargreeves

La réponse de Five n’est pas celle que Ben voudrait, mais celle qu’il préfère entendre, parce qu’il n’est pas naïf, après tout. Il sait bien que son frère ne va pas bien : comment pourrait-il aller bien après ce qui vient de se passer ? Non, évidemment que Five ne va pas bien, mais pour le moment, il doit encore être sonné. L’essentiel, c’est que Ben a su intervenir à temps : Five est sain et sauf, et pour le moment, Ben se contente de ce constat rassurant. C’est certain, cette situation met ses nerfs à rude épreuve, mais il n’en veut pas un seul instant à Five pour cela. Il ne lui viendrait jamais à l’esprit de lui tenir pour responsable de ce qui vient de se passer. Il est la plus grande victime des circonstances. Si lui, Diego ou le reste de sa fratrie en sont également, c’est par ricochet, et il n’a pas le moins du monde envie d’en arriver au stade où il serait capable de lui reprocher une chose pareille (même si l’absence de sommeil pourrait ne pas aider, en réalité).

« Une tisane, c’est parti », répond Ben avec un fin sourire rassurant, faisant chauffer l’eau tandis que son frère avale son cachet. Il en prépare une grande quantité pour s’en servir également. Pour le moment, il ne sera capable de rien, c’est évident.

Quand il revient vers son frère pour lui demande à quoi ressemblait son dernier cauchemar, celui qui l’avait précipité dans cette situation dangereuse, il sait qu’il s’aventure sur un terrain dangereux : mais il sait aussi qu’occulter la réalité ne la fera pas disparaître pour autant. Et pour cette raison, il considère faire ce qu’il doit à l’adresse de son frère. Même si ce sera forcément difficile pour eux de discuter de tout ça, c’est en s’y efforçant qu’ils parviendront peut-être aussi à dépasser le traumatisme. Encore que c’est peut-être exagéré.

La réponse de Five est aussi sincère qu’elle est évidente : bien sûr qu’il repense aux enfers. Et s’il le regrette, il a toujours deviné le sentiment qui habitait son frère, celui d’être présent et absent en même temps, comme s’il n’avait jamais vraiment quitté les enfers… Et c’est normal, le temps qu’il a passé là-bas a laissé des séquelles terribles… Ben les espère réversible, mais il ne peut avoir aucune certitude à ce sujet. Ce qu’il sait néanmoins, c’est que dans son malheur, Five a cette chance : il a sa famille : et sa famille sera toujours là pour lui, présente inconditionnellement : car que pourraient-ils faire d’autre sinon vouloir le soutenir en absolument n’importe quelle circonstance ? Five en avait toujours fait autant pour tous les membres de sa famille. Il avait affronté les pires obstacles, vécu les épreuves les plus terribles, il était celui qui avait enduré au-delà de tous les autres. Il est bien normal qu’en retour, sa fratrie le lui rende pareillement, pas vrai ?

« Tu nous emmerdes pas, Five. Bon, je te cache pas que t’es ravagé, ça c’est clair. Mais on l’est tous et… » Ben dépose une main fraternelle dans le dos de Five. « T’as plus de raisons que nous tous de vriller, c’est normal. T’as passé tellement de temps à prendre soin de nous, c’est normal qu’on te rende la pareille, tu crois pas ? Alors laisse-nous faire et arrête de culpabiliser. C’est le moins qu’on puisse faire pour toi. Et c’est dur parce qu’on aime pas te voir comme ça, mais personne ne te le reprochera jamais. » Il marque une pause. « Je vais pas prétendre que je sais ce que tu ressens, évidemment que c’est pas le cas, mais je sais quand même ce que ça fait de se sentir coincé dans… tu sais, un réalité qui est pas la tienne et… » Il hésite. « Parfois, j’ai l’impression que je suis jamais revenu à la vie, ou que ça va forcément s’arrêter très vite, parce que c’est pas normal, pas naturel, que je sois là… »

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@Five Hargreeves

« On va trouver une solution », répond Ben avec autant de calme et de conviction qu’il est capable d’en déployer.

La vérité, c’est qu’il n’est pas aussi confiant qu’il le voudrait… Promettre une solution quand on a à l’esprit des pistes de résolution, c’est une chose, en espérer une quand on n’a pas la moindre idée de comment faire, c’en est une autre. Mais ils sont là, ensemble, et ils font tout leur possible pour aider Five, alors… Après tout, ils ont déjà survécu à deux apocalypses, ils peuvent bien réussir, une fois encore, à gérer une crise qui, sur le papier, paraît tout bonnement impossible à gérer. Alors oui, même si c’est compliqué, ils vont y arriver.

« C’est une situation inédite, et on n’était pas préparés à ça mais… Oui, comme tu le dis, t’as été capable de gérer une vie post-apocalyptique, alors oui, tu vas aussi réussir à gérer ça. Peut-être pas aujourd’hui, peut-être pas demain, mais ça finira par arriver. Et pendant ce temps, on se serrera les coudes, et… »

Il se perd un peu dans son discours, et oublie ce qu’il a eu envie de dire quand Five s’épanche un peu plus sur le calvaire qu’il a vécu aux enfers : se nourrir de la culpabilité de chacun : c’est vicieux, et c’est incroyablement malin. Le sentiment de culpabilité est le pire à supporter au monde, revivre ces épisodes encore et encore, sans pouvoir rien faire, sans être capable d’interférer… ça avait dû être horrible… et Ben connaît Five, il sait que ce dernier veut porter la responsabilité de tout, y compris d’événements dont il n’est pas responsable – sa mort, notamment, il en a conscience… Comment se remettre alors d’un tel traumatisme ? Est-ce seulement possible, au final ? Très probablement que non. Et il n’y a personne à blâmer pour cela.

« Ah non, ne t’avise même pas de finir cette phrase. Je suis loin de tout savoir mais s’il y a bien une chose dont je suis certain, c’est que suivre scrupuleusement les conseils de papa n’a jamais été la meilleure option, peu importe les circonstances. »

Le sujet Reginald Hargreeves est évidemment très compliqué autant qu’il est traumatique, mais c’est aussi un sujet concernant lequel, aux yeux de Ben tout du moins, il faut savoir se montrer intransigeant. Et quand Five parle de Rachel, de Diego, de tout ce qu’il a selon lui provoqué ou qu’il a été incapable d’empêcher, Ben a d’autant plus envie de lui secouer les puces.

« Tu redis encore une fois que tu es le poison de cette famille, je te préviens, je sors les tentacules », l’avertit Ben. « T’es pas notre poison. T’es notre antidote. Et quand on compte le nombre de fois où on s’en serait pas sortis sans toi – non, je vais pas les compter, tu t’en chargeras quand t’auras retrouvé tes esprits. » Il pousse un soupir. « Au pire, si t’arrives pas à dormir, on peut toujours faire autre chose. Regarder un film ? J’ai un jeu de scrabble qui traîne », ajoute-t-il pour le chambrer.